En janvier 2012, la population de Chêne-Bougeries a été invitée à prendre connaissance des résultats d'un Mandat d'Etudes Parallèles (MEP) pour la valorisation du village. Depuis, plusieurs architectes et ingénieurs travaillent avec les services de l'Etat, la commune et les propriétaires sur des bases réalistes et concrètes.

 

"Le MEP a permis de trouver un consensus et a apporté une vision claire du devenir du village" introduit Jean-Michel Karr, Conseiller administratif en charge du territoire de Chêne-Bougeries. "Il porte un nouveau paradigme où la commune n'impose plus et ne se confronte plus aux propriétaires. A présent, les droits de tous les acteurs du village sont reconnus, et les projets sont élaborés dans un esprit de coopération."

 

 

"On procède aux réglages nécessaires"

 

Michèle Tranda-Pittion, architecte EPFL et urbaniste, explique que depuis un an plusieurs thématiques sont traitées et en voie d'être réglées: l'aménagement de la rue, le diagnostic technique des bâtiments, la mobilité. Par exemple, déplacer l'arrêt du tram en dehors du goulet est une première mesure finalement assez légère, et la commune a donné mandat à un ingénieur pour la faire avancer auprès du canton et des transports publics. Le déplacement de cet arrêt en amont de la route de Chêne reviendrait à une situation antérieure, et permettra d'éviter que les voitures ne bloquent la circulation dans la rue de Chêne-Bougeries. Autre exemple, demander à ce que le revêtement de la chaussée soit réalisé en matière phono absorbante, apportera une réelle amélioration des conditions de vie dans le village. Cette mesure répond d'ailleurs aux obligations fédérales d'assainissement phonique. Le diagnostic technique de chaque bâtiment est également en cours. Il complète celui de 2005 et participera à l'élaboration d'un plan de site qui précisera en termes juridiques clairs ce qui peut être fait, avec quel bâtiment.

 

 

Le plan de site aura une valeur juridique

 

"Il est important à ce stade de conférer au projet et à ses partenaires une sécurité juridique. Le plan de site en force vaudra autorisation préalable de construire." renchérit Jean-Michel Karr. Grâce à ce plan adopté par les instances municipales et cantonales, chaque propriétaire aura la garantie de ses choix. "Son intérêt est que les négociations se déroulent sur la base d'un diagnostic technique complet" ajoute Michèle Tranda-Pittion, confiante que le plan de site aboutira en 2014.

 

Mais parallèlement à l'élaboration de ce plan d'affectation, il est déjà possible de travailler sur l'espace de la rue et de rénover les bâtiments dont la conservation ne fait aucun doute, comme ceux situés coté nord, aux deux bouts de la rue de Chêne-Bougeries, ou même de débuter un projet architectural au niveau des N°s 13-15, la fameuse "dent creuse" du goulet.

 

Pour boucler le plan de site, architectes et ingénieurs terminent l'analyse technique de la valeur patrimoniale de chaque bâtiment, poussent le projet d'architecture au niveau des arcades piétonnières et la réflexion sur l'espace public intérieur, en vérifiant les questions de mobilité. Les résultats de ces études définiront les bonnes étapes à suivre et vont montrer qu'on peut d'ores et déjà réaliser des travaux, sans hypothéquer la suite.

 

 

Les arcades: un faux problème

 

"La rue de Chêne-Bougeries doit devenir un espace qui profite des qualités de ce qui la traverse, en assurant la continuité du passage des trams, des voitures, des vélos et des piétons." explique Michèle Tranda-Pittion. Les arcades piétonnes, sujet d'une recommandation du MEP, doivent être confirmées ou infirmées et l'urbaniste ajoute: "Différents scénarios sont en train d'être étudiés. Un projet d'espace rue peut fonctionner avec deux voies ou trois voies. A court terme, avec l'arrivée du CEVA, tous les transports vont se réorganiser. Si deux voies suffisent, les arcades ne seront pas indispensables. Par contre, si on est obligé de créer trois voies, avec les normes actuelles, des arcades seront souhaitables pour faire passer les piétons. Deux voies, trois voies, arcades ou non, il est important de regarder le village dans son ensemble, de profiter de la qualité de son patrimoine et de le rendre confortable à chaque utilisateur, aux habitants et commerçants."

 

Dans une ville, les adaptations sont régulières et courantes. Pour les cyclistes, la voie verte du CEVA, directe et sécurisée, va apporter un confort certain; qu'est-ce qui va alors être encore nécessaire dans le goulet? L'urbanisme moderne a dépassé le débat du "tout voiture", car on s'est rendu compte qu'on ne fait que repousser les bouchons plus loin. A présent, c'est à l'échelle de l'agglomération qu'on décide à quels endroits la circulation motorisée est prioritaire ou non.

 

 

Une mutation annoncée dans moins d'une dizaine d'années

 

Les projets du canton ou du Grand Genève, le futur quartier de la gare de Chêne-Bourg, le CEVA et la voie verte vont apporter de grands changements et les habitants vont vite se rendre compte de la mutation de leur environnement. La transformation du village participe à cette évolution rapide. Le quartier historique va prendre de la qualité et de la valeur, comme c’est largement le cas sur la commune voisine de Chêne-Bourg. Le village s'est dégradé et son image est aujourd'hui négative, mais c'est sans compter sur le fait que les gens peuvent aussi changer de représentation. Entre la verdure de Chêne-Bougeries et le caractère du Vieux-Chêne, le quartier va connaître un saut qualitatif important. L'augmentation du trafic sera stoppée, en partie canalisée sur la route de Malagnou ou diminuée par les nouveaux moyens de transports. "Ce coin urbain va en moins de dix ans devenir très attractif" confirme l'urbaniste genevoise Michèle Tranda-Pittion.

 

 

Un potentiel important

 

Les choses se préparent, se règlent, se confirment. Qui va ensuite faire concrètement le travail? Depuis la mise en veille de la Fondation pour l'aménagement de Chêne-Bougeries, c'est au Conseil municipal de la ville qu'il revient d’agir. Et il devra être inventif. Au niveau du montage financier par exemple, des coopératives d'habitants ou d’autres tiers pourraient réaliser certains projets et se charger de louer les appartements sur la base de directives communales. La commune doit avoir des idées et mettre les personnes adéquates autour de la table. A long terme, le village pourra abriter une centaine de logements. Par la suite, les types de commerces seront essentiels. Il faudra que la ville sollicite les activités qui vont animer l'espace public comme à Carouge. Le potentiel est donc important.

 

Comme d'autres habitants, Léon Meynet, a vu le village se dégrader. Si la commune n'a pas entretenu ses biens, car elle pensait que les bâtiments allaient être démolis, les propriétaires privés ont, eux, eu intérêt à les maintenir en bon état, et ils ont à présent aussi des projets de valorisation de leur patrimoine.